Le seuil

Conversion, liberté seconde

Et tu hésites à te retourner, à quitter cette indolence séduisante pour franchir le seuil de la demeure. Trois marches de marbre blanc séparent le jardin de l’habitation et marquent une rupture, un changement de ton radical : désormais, rien ne sera plus jamais comme avant. Franchir le seuil de la demeure, signifie accomplir un pas décisif, une véritable conversion laïque, une conversion à la construction d’un bonheur second, solide, actif et durable. On passe de la nature à une demeure construite de main d’homme, à l’image de ce bonheur qui ne s’attend pas mais s’édifie, dans une démarche active qui englobe émotion et réflexion.

THÈMES

des sons 

  • Haydn, Die Schöpfung, Fiat Lux
  • Schönberg, Verklärte nacht

des images

  • 480-470 AC : Anonyme, Tombe du plongeur
  • Anonyme XVe s., La Dame à la Licorne (à mon seul désir)
  • Poussin (N.), Danse de la vie humaine, 1638 (après le seuil, entrer dans la danse du monde)

des mots

  • Goethe, meurs et deviens

VARIATIONS

Poème lu, entendu, médité, traduit, transmis. 

Lu après le couvre-feu, à la lumière d’une bougie, animé du désir impérieux de transgresser les règles absurdes de l’internat. 

Entendu en forêt, dans le silence des hommes, dans le bruissement des arbres.

Médité à la chapelle, dans le silence des prêtres et en l’absence de Dieu.

Traduit de l’allemand, avec ce souci constant de la trahison fidèle. 

Transmis à toi, Journal, dépositaire de pensées obscures ou lumineuses, transparentes ou opaques, mais inlassablement présentes.

Poème lu, entendu, médité, traduit, transmis. Mais non encore accompli.

Ne le répétez à nul autre qu’à l’initié, 

Car la foule agitée est aisément prompte à la moquerie facile : 

Je veux louer le vivant qui aspire, de tout son être, à mourir dans le feu ardent.

Dans la fraîcheur des nuits d’amour où tu reçus la vie, où tu donnas la vie, 

Un sentiment étrange te saisit devant cette flamme silencieuse, 

Devant cette étoile aux mille flambeaux.

Tu te libères enfin, tu sors de l’ombre, tu t’affranchis des ténèbres, 

Et un désir nouveau t’appelle vers un amour plus grand, 

Vers une union plus haute.

Nulle distance ne t’arrête, papillon téméraire. 

Fasciné, tu t’élances, tu t’envoles, tu t’élèves et enfin, 

Amant de la lumière, tu te brûles les ailes, tu te consumes.

Meurs et deviens. 

Tant que tu n’as pas compris ce meurs et deviens,

Tu n’es que l’hôte obscur d’une terre sombre et stérile.

Goethe, Selige Sehnsucht

Traduction et adaptation : JFD