Bonheur premier
THÈMES
des sons
- Mozart, Sonate pour piano n°2, II. Adagio (1775)
Tout l’art de Mozart est là : composer sur le fil, entre lumière et ombre, entre légèreté et gravité, au point de prolonger après l’écoute, dans un silence chargé de sens, un sentiment trouble, comme un sourire lourd.
des images
- Klimt (G.), Danae, 1907-08 (retour au ventre)
- Chagall (M.), L’arc en ciel après le déluge (de l’ombre à la lumière)
des mots
- Épicure (242-270), Lettres, maximes, sentences, Paris, Classiques de la Philosophie, 1994
- Lucrèce (98-55 AC), De Rerum Natura, trad. Lefevre, Éditions la Bibliothèque Digitale, 2012
- Marc Aurèle (121-180), Pensées pour moi-même, Éditions de la Bibliothèque Digitale, 2012
- Lorenzo Valla (1407-1457), De Voluptate, Éditions Encre Marine, 2004
- Érasme (1466-1536), Les colloques (L’épicurien), 1522 (format PDF)
- Montaigne, Essais
- Hadot (P.), La Citadelle intérieure. Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris, Fayard, 1992
- Comte-Sponville (A.) Le Miel et l’Absinthe, Paris, Hermann, 2008
VARIATIONS
Un jardin
Mon jardin. Ce morceau de pelouse flanqué d’un arbre à l’ombre duquel je lis et écris. J’aime ce bout de terre, c’est une clairière ouverte à l’infini du ciel, loin des agitations de la forêt ; c’est mon île en quelque sorte, victorieuse de toutes les tempêtes.
Cet espace dans ses limites soigneusement tracées, me procure un sentiment de finitude, la conscience d’un temps rectiligne et mesuré, s’écoulant sans merci ; mais en y regardant de plus près, de cet espace étriqué, j’observe également les cycles saisonniers, l’éternel retour du même.
Ainsi, à partir d’une infime parcelle de terre, se dessine parfois un monde infini, un temps circulaire, un monde à échelle humaine, un microcosme qui me fait entrevoir la ronde du macrocosme. Je me retrouve dans cette clairière, isolé sur cette île ; isolé pour me sentir plus près de tout.
Éclosion
Le calme après la tempête. La lumière dans les ténèbres.
Un nouveau printemps
J’ai toujours observé avec plaisir, à la fin de l’été, l’insolence des roses trémières dans leur dernier éclat.
Bientôt, leurs semis téméraires viendront se planter, sans demander l’avis de quiconque, dans un sol aride et ingrat. Ces semis patienteront, ils traverseront la dormition hivernale avant de se sacrifier, pour entamer leurs multiples transformations.
Bien vite, une hampe nue, aussi solide que grossière, sortira de cette terre d’apparence peu fertile. Un feuillage caduc, sans charme particulier, atteint par les ravages de la rouille, viendra compléter un tableau décidément bien terne.
Mais le printemps finissant prendra enfin sa revanche : des fleurs en corolles, d’une beauté envoûtante car imparfaite, coloreront cette triste végétation de teintes blanches, roses, rouges, abricot ou carmin.
J’aime ces fleurs de l’entre-deux, qui s’épanouissent entre ombre et lumière, à l’abri d’un vent trop violent ; elles disent la récompense, couronnent la patience, la lente maturation, la longue incubation.
Comme les traits d’un visage aimé qui, posés sur la toile par un peintre amant du clair-obscur, semblent jaillir d’un fond sombre et inquiétant, ces roses révèlent une beauté qui éclot d’un grand néant, d’un presque rien.
Elles rappellent la nécessité de mourir, de traverser les épreuves de l’ingratitude, pour mieux renaître à un état supérieur.
Mourir.
Mourir à soi.
Mourir pour mieux devenir ce que l’on est.
Joie des nouveaux départs, d’un nouveau printemps, d’un incessant recommencement.